Ordinateur avec l'image de l'AFreSHEB

Lettre ouverte au Sénat français

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

L’Association pour les Français en situation de handicap en Belgique (AFrESHEB ASBL en abrégé) a été fondée en 2017. Elle a pour buts d’informer et de défendre les intérêts des Français en situation de handicap en Belgique et leurs familles, les représenter dans les groupes de travail officiels, belges et français, auprès des institutions de défense des droits locales, régionales, nationales et internationales, des ministères, administrations et autres organismes concernés.

Aujourd’hui, environ 7500 adultes et 1500 enfants Français sont hébergés dans des établissements belges conventionnés avec la France et/ou des départements français. 1000 petits transfrontaliers font l’aller-retour tous les jours entre leur domicile et l’enseignement spécialisé belge, et 500 sont hébergés dans les internats publics scolaires spécialisés.

Ce sont donc plus de 10 000 familles françaises qui sont concernées par ce fait.

Nombre d’associations françaises gestionnaires ont souvent dénoncé cet « exil ». En février 2021, le gouvernement français a décidé d’un moratoire des places pour les adultes français en Belgique, les limitant aux places alors occupées.

Il s’ensuit un double étranglement :

  1. le turn-over naturel de libération de places dans ces établissements est de 200 par an. Dans le même temps, ce sont 550 demandes qui arrivent. Autrement dit, ce sont 350 familles qui « restent sur le carreau ».
  2. Les adultes français se voient aussi imposer de rester en établissement pour enfant en France, selon les termes de l’amendement ex-Creton. Or, les enfants qui doivent rentrer dans ces établissements restent alors sans solution.

Nous avons représenté les usagers lors de l’arrêté wallon de 2018 rehaussant drastiquement les normes des établissements accueillant les Français.

Nous avons aussi représenté les usagers lors du référentiel qualité de l’AViQ. Nous pouvons vous assurer qu’aujourd’hui, les normes, les mesures et fréquences des contrôles des établissements belges sont bien plus élevées que celles des établissements français.

Logiquement, et tant que les solutions équivalentes ne seront pas apportées en France, nous demandons la suspension de ce moratoire.

Nous demandons aussi que les obstacles administratifs soient levés :

  • refus d’orientation en Belgique – illégal –  par les MDPH,
  • refus – illégal – par la CPAM de prendre en charge les frais de transport pour les élèves frontaliers et internes
  • refus – illégal – par les CPAM de prendre en charge les frais d’hébergement dans les internats scolaires spécialisés publics
  • difficultés administratives concernant : le renouvellement des papiers d’identité, le droit de vote, le remboursement des médicaments et des prestations médicales/paramédicales hors établissements, vide juridique (les personnes concernées ne sont ni vraiment résidentes françaises, ni officiellement résidentes belges : la création d’un statut particulier est nécessaire.)

Nous demandons qu’un accord transfrontalier pour le handicap avec les Hauts-de-France et le Grand-Est, régions limitrophes, soit conclu, pour les Français et les Belges partageant le même bassin de vie.

Nous demandons que notre association, la seule à vraiment connaître la problématique et le terrain, soit auditionnée par le Sénat et qu’elle puisse participer à tous les groupes de travail concernant les Français en situation de handicap en Belgique.

Pour votre information, et dans le cadre de la réforme des retraites, nous vous signalons que les retraites belges de nos adhérents aidants familiaux sont plus avantageuses que les retraites françaises. Voir ici les craintes des associations françaises d’aidants au sujet de la retraite.

Nous vous prions d’agréer, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, l’expression de notre haute considération.

Pour l’Association pour les Français en situation de handicap en Belgique,

Isabelle Resplendino, Présidente

image d'illustration double effet moratoire parchemin bleu blanc rouge sur drapeau belge froissé

Moratoire : Le double effet pas kiss pas cool*

L’autre effet pervers du moratoire des places pour les adultes Français en situation de handicap en Belgique :

Les enfants français sans solution, ou avec des solutions partielles et inadaptées.

Des enfants en souffrance.

Dans ce reportage de BFM TV, l’on peut lire que le ministère de l’Éducation nationale indique qu’au moins 11.000 enfants en situation de handicap attendent une place dans un institut médico-éducatif. Ils se retrouvent donc souvent à l’école de leur secteur sans bénéficier d’un accompagnement adapté à leurs besoins.

Sans parler de ceux qui restent à la maison !

La ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq, explique ce manque de plus de 11.000 places par des flux sortant bouchés dans les IME. Elle promet au micro de BFMTV un « grand travail d’évaluation de ces jeunes et de ces adultes qui sont dans des IME et qui ne devraient pas y être ».

Déjà, suspendez le moratoire des places françaises en Belgique tant que vous n’aurez pas créé les solutions en France !

Et pour les créer, appliquez donc nos solutions que vous trouverez dans ce questionnaire soumis aux candidats à la présidentielle 2022. Vous verrez que, si on y met les moyens, l’école peut être la solution pour ces enfants !

En ce qui concerne les effets sur les enfants français du moratoire adulte en Belgique, nous avions déjà sonné l’alarme à ce propos en décembre 2021, dans ce reportage de France 24.

Mais, comme dans la chanson, « Non, non rien n’a changé, tout, tout a continué ! »

*Pour les plus jeunes :

illustration : Français en situation de handicap en Belgique

Une résolution sur les Français en situation de handicap en Belgique rejetée

Une résolution d’avis du Conseil consulaire de Belgique proposée par Mme Cécilia Gondard.

Pour :

1 élue PS Cécilia Gondard

1 élu LR Anthony Bisch

1 élu EELV Bertrand Wert

A été rejetée par les élus de la majorité présidentielle :

Contre :

2 élus LaREM Thierry Masson – Isabelle Wandelst

1 élu Agir Jérémy Michel

Abstention :

1 élue EELV Léa Charlet

Cette résolution demandait, notamment :

  • La suspension du moratoire ;
  • Le respect par la France de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées qu’elle a signée et ratifiée, notamment l’article 18 sur le choix de la résidence et la nationalité ;
  • Que les conseillers des Français de l’Étranger soient impliqués, notamment à travers un conseil consulaire annuel dédié aux Français en situation de handicap, où seraient invités les représentants des associations et des autorités belges et françaises compétentes, afin de faire le point sur la mise en œuvre de l’accord et sur les besoins et moyens nécessaires ;
  • Que les transports des enfants et adultes handicapés résidant en France soient pris en charge, y compris vers des établissements non conventionnés pour enfant ;
  • Qu’une politique de transfert d’expertise en matière de prise en charge ainsi que de pédagogie et d’enseignement soit mise en place au travers d’un centre de formation pour les personnels, les enseignants spécialisés et les AESH et par l’ouverture d’écoles spécialisées en France ;
  • Que les obstacles administratifs soient levés afin que l’inscription consulaire, le renouvellement des titres d’identité, l’établissement des procurations, et le remboursement des frais médicaux soient effectués ;
  • Qu’un accord transfrontalier pour le handicap avec les Hauts-de-France et le Grand Est soit conclu, pour les Français, Françaises et Belges, qui partagent le même bassin de vie ;
  • Que les Conseillers des Français de Belgique soient associés à ces travaux.

Ce présent avis aurait été envoyé :

  • à Geneviève Darrieussecq Ministre déléguée chargée des Personnes handicapées et à Jean-Christophe Combe, Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées ;
  • à la Présidente de l’Assemblée des Français de l’Étranger et au Président de la Commission des Affaires sociales ;
  • aux parlementaires des Français.es établis hors de France ;
  • à L’Ambassadeur de France auprès de la Belgique ;
  • à la Déléguée interministérielle à l’autisme et aux troubles du neurodéveloppement.

Lire la proposition d’avis en entier.

Les conseillers consulaires qui avaient préparé cette résolution vont  la signer et la publier et demandent aux personnes concernées, aux  familles, aux associations, aux professionnels… de bien vouloir ajouter leur signature à cette proposition afin qu’elle ait le plus de poids possible.

Lien vers le formulaire de signature ici.

Conférence Mitsopro

Mobilité transnationale de Français en situation de handicap

Illustration : réseaux sociaux de Mitsopro.

Le 4 octobre 2022, avait lieu à l’université de Liège un colloque sur la migration et protection sociale en Europe et au-delà : politiques publiques et pratiques des migrants (Mitsopro).

Nous avons participé à une des études présentées, qui s’intitulait : « Un usage contraint de la liberté de circulation ? La mobilité transnationale de français en situation de handicap à partir de l’expérience des familles ». L’auteur de l’étude était Jérémy Mandin, chercheur. Vous pouvez télécharger la présentation ici.

Après la présentation de son étude, ce fut au tour d’Ana Marques, sociologue à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard de nous parler de la recherche qu’elle avait menée auprès des 12 assistantes sociales de l’hôpital qui avaient contribué au départ – et suivaient toujours – des patients sortis de l’hôpital pour intégrer des établissements belges, ainsi que leurs familles, l’hôpital psychiatrique n’étant pas un lieu de vie pour une personne en situation de handicap.

Puis ce fut au tour de la présidente de l’AFrESHEB, Isabelle Resplendino, de compléter ces présentations. Il est un fait marquant que, que ce soit l’auteur de l’étude, la sociologue ou la représentante de l’association, tous en venaient aux mêmes conclusions : ce n’est pas seulement le manque de places en France qui était à l’origine de cette mobilité vers la Belgique, mais aussi un savoir-faire différent, plus porté sur l’éducatif et le potentiel des personnes, moins médical.

Il y a aussi beaucoup moins de complications administratives pour ouvrir un établissement en Belgique. Et le retard est si grand dans le département d’Île-de-France de l’hôpital de Ville-Evrard (la Seine Saint-Denis) que, même si le département triplait son offre, en 5 ans, il arriverait tout juste à répondre à l’évolution démographique de la population en âge d’être bénéficiaire, sans combler son retard.

C’est dire si le moratoire des places françaises en Belgique est néfaste.

Une remarque intéressante faite par le tchat (le colloque était diffusé en direct sur le net) était que, sur les 40 unités pour 6 adultes autistes sévères avec de grands troubles du comportement annoncées par le gouvernement (sur toute la France !), seule une avait pu ouvrir. Le pourquoi est évident : les structures n’arrivent pas à recruter.

Lorsque nous avions demandé aux professionnels français transfrontaliers (enseignants, éducateurs, paramédicaux…) exerçant en Belgique dans l’enseignement spécialisé ou les établissements hébergeurs pour quelle raison ils avaient fait leurs études en Belgique et y travaillaient, (et ce n’était pas pour un accès plus facile et moins onéreux aux études, comme pour d’autres étudiants qui retournent en France par la suite) : les réponses fusaient : « Parce qu’en France, on en a marre de bouffer du Freud et du Lacan toute la journée »… « C’est plus efficace, plus humain ici »…

Bref, avant de commencer à combler son retard, la France devra changer les mentalités…
Analyse juridique

Moratoire : analyse juridique

Les enjeux juridiques du conventionnement des établissements belges accueillant des ressortissants français en situation de handicap.

Analyse par Me Olivier Poinsot, qui tient le blog Accens Avocats

Extraits :

La présentation du moratoire prête à confusion : si le communiqué de presse présente les logos de la Région wallonne et de la République française côte-à-côte, pour autant ce moratoire relève d’une initiative purement française.

[Remarque de l’AFrESHEB : le communiqué de presse était bien commun et avait été diffusé également sur le site du ministère wallon. Suite à des interpellations parlementaires, il a été opportunément retiré de ce site. Pour étayer son  affirmation, le blog d’Accens Avocats publie le compte rendu in extenso de la séance parlementaire du jour, nous publions ici l’extrait sur le point du moratoire.

Nous nous interrogeons sur la position de la ministre wallonne, Christie Morreale, qui varie selon son interlocuteur : gouvernement français, parlementaire wallon… Elle était déjà la 1ère à nous solliciter pour des questions parlementaires sur les Français de Belgique lorsqu’elle était députée de l’opposition, et nous a fermé la porte dès qu’elle est devenue ministre !!!]

Dans la continuité de ce moratoire, l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France et la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Roubaix-Tourcoing tentent d’imposer à l’ensemble des ESSMS belges la signature de deux conventions :

  • Une convention dite « capacitaire », qui fixe un quota de ressortissants français pouvant être accueillis ;
  • Une convention dite « qualitative », relative aux modalités d’accueil et d’accompagnement des ressortissants français par l’établissement.

En l’absence de signature de ces conventions, les services de l’ARS se sont montrés de plus en plus insistants, voire ont menacé de suspendre les financements en l’absence de signature desdites conventions.

En plus du conventionnement imposé aux ESSMS belges, les autorités françaises diffusent auprès des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) des consignes illégales visant à limiter les départs vers la Belgique. Ainsi l’ARS d’Ile-de-France, dans une formation assurée récemment au profit du personnel des Commissions des droits de l’autonomie des personnes handicapées (CDPAH), a-t-elle exigé que l’examen d’une admission en Belgique soit subordonné au fait que le demandeur prouve avoir essuyé trois refus d’ESSMS française ; or une telle exigence ne figure pas dans la loi.

Cette pratique administrative apparaît contestable à plusieurs points de vue :
  • le financement des places en Belgique constitue une obligation pour l’Etat français au vertu du règlement de l’Union européenne (UE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 (prix de journée en maison d’accueil spécialisée et forfait soins en foyer d’accueil médicalisé relevant du financement par l’assurance maladie) ;
  • il ne ressort ni de ce règlement, ni de l’accord-cadre franco-belge du 21 décembre 2011, ni de l’arrangement administratif afférent, ni des dispositions du Code de la sécurité sociale (C. Sécu. Soc.) ou du Code de l’action sociale et des familles (CASF) que l’accueil ou le financement des places des ressortissants français en Belgique soit subordonné à la conclusion d’une quelconque convention ;
  • l’imposition de conventions en dehors de tout texte porte une atteinte grave à la liberté contractuelle ;
  • l’imposition d’un quota d’accueil de français, fixé au nombre de ressortissants français accueilli au 28 février 2021, est déconnectée à la fois de la réalité des besoins et de la capacité agréée par l’Agence pour une vie de qualité (AVIQ), autorité administrative belge compétente en la matière. De tels quotas sont attentatoires à la liberté d’aller et venir et à la libre prestation de services ;
  • les autorités françaises entendent imposer aux ressortissants français ne trouvant pas de place d’ESSMS en France d’intégrer un établissement belge agréé avant le 28 février 2021 et ayant conclu une convention avec l’ARS. Autrement dit, les ESSMS belges n’ayant pas signé ces conventions ne se verront plus adresser de ressortissants français via les CDPAH ;
  • Le contenu de la convention dite « qualitative » impose des conditions matérielles intenables en pratique pour les ESSMS belges : les nombreuses annexes à cette convention opèrent en réalité un « placage » maladroit de dispositions législatives imposées aux ESSMS en France (outils relatifs au droit des usagers, conditions architecturales, etc.). Ces annexes méconnaissent donc totalement le principe de territorialité du droit. En outre, les établissements wallons accueillant des ressortissants français sont d’ores et déjà soumis à des dispositions belges proches issues notamment du Code règlementaire wallon de l’action sociale et de la santé analogue au CASF français (cf. les articles 1369/7 et suivants). L’intérêt de telles annexes interroge.

[Remarque de l’AFrESHEB : ici, l’article ne prend pas en compte l’arrêté wallon de 2018 et ses nouvelles dispositions pour les services (wallons) dont le financement est assuré par une autorité publique étrangère – SAFAE)]

La note d’information récente publie [Note de l’AFrESHEB : entre autres nombreux documents] le modèle de convention et rappelle la démarche de conventionnement entreprise.

[Note de l’AFrESHEB : Vous pouvez ici télécharger directement linformation ministérielle relative à la prévention des départs non souhaités des personnes en situation de handicap en établissement médico-social wallon ainsi que le modèle de convention].

Or, cette note est critiquable à plusieurs points de vue :
  • le gouvernement [français] use bien de l’expression « capacité maximale financée » : la fixation des quotas a donc pour but de cristalliser le nombre de places pouvant accueillir des ressortissants français et ce, indépendamment des choix opérés par les personnes concernées et indépendamment du manque de places en France ;
  • si la note rappelle que la démarche de conventionnement « ne remet pas en cause le principe du libre choix », la pratique qui s’installe en réalité vise indéniablement à durcir les conditions de départ voire à les interdire (une fois que la capacité ainsi autorisée aura été atteinte, les départs ne seront plus possibles) ;
  • le modèle de convention annexé à la note d’information est similaire à celui imposé aux ESSMS belges mais annonce, dans son sommaire, une nouvelle annexe n° 8 relative à l’échéancier de mise en conformité des infrastructures belges. Or, cette annexe est tout bonnement absente du texte publié.
Ces nombreuses critiques étayent des actions contentieuses engagées dans l’intérêt d’organismes gestionnaires d’ESSMS wallons et de ressortissants français :
  • plusieurs référés ont été introduits devant la juridiction administrative, tous n’ont pas encore été tranchés ;
  • des recours au fond ont été déposés et d’autres sont sur le point de l’être ;
  • une plainte pour manquement contre la France a été déposée à la Commission européenne ;
  • l’engagement de contentieux par des usagers se voyant refuser le départ pour la Belgique est à l’étude.

Lire l’analyse in extenso.