Cour des comptes française

Un rapport qui compte… ou pas

Rapport de la Cour des comptes sur l’accueil des Français en situation de handicap en Wallonie

Nous avions sollicité la Cour des comptes française, par le biais de sa plateforme de participation citoyenne, pour qu’elle enquête sur le moratoire des places réservées aux Français en Wallonie (moratoire décidé par la France).

Nous n’avions plus de nouvelles (apparemment, le sujet n’avait pas été retenu), jusqu’à ce que la présidente, Isabelle Resplendino, reçoive un courrier en date du 13 mai 2023 , dont voici un extrait :

« En application des articles L.111-3, L111-5 et L.111-7 du code des juridictions financières, la Cour des comptes réalise une enquête sur le moratoire sur l’accueil en Belgique des personnes en situation de handicap, axée plus particulièrement sur les régions Hauts-de-France, Grand-Est et Ile-de-France. Cette enquête associera dans le cadre d’une formation commune, la sixième chambre et les chambres régionales des comptes concernées.

[…]

La Cour souhaiterait recueillir votre éclairage général sur le sujet traité en lien avec vos missions. Les rapporteurs prendront prochainement contact avec vous à cet effet. »

Isabelle Resplendino a finalement été auditionnée en visioconférence le 19 décembre 2023, par les Cours des comptes française et belge. Cette audition n’est pas précisée dans le rapport.

L’audition s’est assez bien passée (enfin, presque)

Les représentants belges étaient logiquement plus au courant de la situation que les Français, qui ont toutefois pris bonne note de l’entretien ainsi que des documents remis au préalable par l’AFrESHEB. Mis à part un représentant français fort hostile à « l’exil » en Belgique, reprenant les  éléments de langage du gouvernement français.

Rapport : un cahier, un stylo, sur des feuilles de graphiques
Le rapport : les plus et les moins

Le rapport présente des chiffres assez bien étudiés, qui confirment nos données.

Sur le moratoire

Le rapport en arrive bien aux mêmes constatations que l’AFrESHEB :

« Pour une majorité des départements interrogés, le moratoire a eu pour effet d’augmenter le nombre de personnes sans solution ou a contribué à la mise en place de solutions fragiles et non pérennes.

[…]

L’offre wallonne d’accueil de Français en situation de handicap a prospéré à proportion des manques de l’offre Les établissements wallons acceptaient les personnes avec des troubles du comportement et de la conduite, quel que soit l’âge où ces troubles apparaissaient. Le moratoire de 2021 a fortement impacté cette dynamique. La situation des enfants présents en Wallonie et la question de leur devenir n’ont pas été anticipées. Celle des résidents déjà présents dont l’état de santé viendrait à se dégrader et nécessiterait une prise en charge accrue en soins non plus.

Cependant, la Cour des comptes omet de préciser que, du fait du moratoire, des adultes restent en amendement ex-Creton dans les établissements pour enfants, ce qui augmente la demande de scolarisation de ces enfants français  dans l’enseignement belge !

Moratoire, un bonhomme aux couleurs du drapeau français sur un drapeau belge avec un sens interdit dessus

Dans ce rapport, une part importante est réservée aux dysfonctionnements, or ils ne concernent qu’une partie  de ces établissements wallons qui accueillent des Français  et qui sont bien plus contrôlés que les établissements en France….  À la fois par l’Agence pour une Vie de Qualité (AVIQ), de façon régulière tous les 2 ans et demi pour la Belgique, et pour la France : les Agences Régionales de Santé, les départements, les organismes de tutelle… Des contrôles en binôme organismes wallons et français sont régulièrement organisés.

Une plainte, une réclamation, même une seule dénonciation anonyme déclenche un contrôle surprise de l’AVIQ, suivi d’autres inspections si des dysfonctionnements sont constatés afin que l’établissement se mette en règle ou, sinon, se voit signifier son retrait d’agrément (donc sa fermeture).

Il est à noter que le rapport relève bien que les établissements wallons accueillant des Français sont sous-financés par rapport à leurs homologues français (-20%) alors qu’ils hébergent une population bien plus sévèrement atteinte et que les salaires belges sont indexés sur l’inflation.

La France ne peut pas exiger la qualité si elle n’y met pas les moyens. Tout cela ressemble furieusement à des prétextes pour fermer les établissements belges et rapatrier les personnes en France, alors qu’elles n’y trouveront pas les solutions.

« L’hôpital qui se fout de la charité » : jamais l’adage ne colla à ce point à la vérité  au propre comme au figuré.

Nous avons tiré des enfants et des adultes des hôpitaux où ils étaient sous contention, camisole chimique, à l’isolement… dans des établissements inadaptés à leur handicap, ou « bénéficiant » de quelques heures, voire moins, d’interventions hebdomadaires, sans parler des enfants en situation de handicap qui font l’objet de signalements puis placements abusifs et se retrouvent déscolarisés, non soignés, battus, violés, dans des établissements tout-venant de l’Aide sociale à l’Enfance…

Des documents sur une table et une loupe dessus
Autres oublis à signaler ou précisions à apporter :
  • À propos des solutions françaises pour arrêter « l’exil » en Belgique : les 90 millions  « généreusement » offerts par le gouvernement aux 3 régions les plus concernées – les deux frontalières et l’Île de France – sont sur 3 ans, ce qui est bien peu en regard des 500 millions qui partent chaque année en Belgique…
  • Les places qui font l’objet d’appels à projets sont aussi peu réalisées par faute de recrutement de personnel  – à ce sujet, la Cour aurait pu ajouter la formation des professionnels français aux approches éprouvées/recommandées ;
  • Le rapport oublie, comme TOUJOURS, les enfants transfrontaliers qui font l’aller-retour chaque jour entre leur domicile et l’école spécialisée plus ceux qui sont hébergés dans des internats scolaires spécialisés publics. On peut rajouter 1500 enfants aux chiffres de la Cour des comptes ;
  • L’arrêté wallon de 2018 n’était pas pour stopper la création d’établissements accueillant des Français, mais bien pour relever drastiquement les normes afin d’éviter les abus. Le ministre en charge qui l’a initié était Maxime Prévot. C’est aussi lui qui a été à l’origine de l’excellent référentiel qualité de l’AVIQ sur les services et établissements. En tant que représentante d’association, Isabelle Resplendino a participé aux deux.
  • Le Pas-de-Calais étant frontalier sur pas mal de kilomètres avec la Flandre (donc la partie néerlandophone), c’est normal qu’il y ait moins de personnes de ce département en Belgique, or, la Cour semble s’en étonner (bon en même temps, ils doivent être forts en calcul, pas en géographie !) 😊
  • Les personnes ayant été placées en Belgique après le moratoire (et la capacité de places occupées alors augmentée) avaient en fait leur dossier d’orientation en Belgique accepté avant le moratoire, mais n’occupaient pas physiquement les places – il ne s’agit donc pas d’une dérogation supplémentaire, mais bien d’un oubli que les associations (dont la nôtre) ont pu faire réparer.
un bras jaune sur fond beige serre un autre bras bleu sur fond jaune en bas
Que faire pour améliorer la situation ?
En ce qui concerne les dysfonctionnements, du côté wallon, nous prônons de :
  • Plafonner les loyers des établissements. Certaines infrastructures sont la possession de sociétés immobilières (et vous trouvez souvent alors un membre de la famille du gérant de l’association qui occupe le bien) et louent à prix d’or les murs. C’est un moyen détourné de s’enrichir et, forcément, le budget étant amputé, la prise en charge des personnes s’en ressent.
  • Réduire le délai entre l’inspection de l’AVIQ et sa remise de rapport.
Côté français, pour lutter contre les dysfonctionnements :
  • La Cour soulève la différence de financement entre les établissements français et les établissements belges pour Français et invite les autorités tarifaires françaises à réaliser une nouvelle étude visant à évaluer et à expliciter le niveau de tarification consenti pour l’accueil des résidents Français disposant d’une orientation médicalisée, en fonction des charges effectivement supportées par les établissements wallons. Nous serions plutôt pour se passer d’une étude « bonne conscience » chronophage qui ira dormir dans les tiroirs sans résultat, pour aligner au minimum immédiatement le tarif de journée sur celui des établissements français, et faire remonter rapidement les besoins supplémentaires par la suite pour y répondre.
Côté français, pour combler le retard :
  • Comme nous l’avons déjà abordé dans les oublis du rapport, il faut revoir les formations, les pratiques. La Belgique est recherchée à la fois par les familles et les professionnels qui viennent s’y former et travailler pour son approche plus éducative que médicale, qui part des potentialités de la personne et non de ses déficiences. Nous ne connaissons plus depuis longtemps les guéguerres de chapelle avec la psychanalyse qui fait encore tant de ravages en France. Mis à part l’une ou l’autre exception noyautées par des professionnels français, les irréductibles tenants de ce courant sont tous partis à la retraite et les autres sont bien plus pragmatiques et prêts à se former à d’autres approches lorsqu’ils constatent que les leurs ne fonctionnent pas. Entre bien-beau parler et agir, le Belge a choisi la voie du bon sens.
  • Adopter le programme élaboré par l’AFrESHEB. Vous le trouverez en pages 6 et 7 du document de préparation à l’audition de l’association par l’Assemblée des Français de l’Étranger (AFE). Ce sont des décisions politiques à prendre. Qui osera ?
Journal plié sur une table
Dans la presse
Presse écrite :

Article de La Croix : « La Confidente des Français autistes exilés en Belgique » – 17 septembre 2024 Interviews d’Isabelle Resplendino et de Philip Cordery, ex-député des Français du Benelux.

Article du Figaro – 17 septembre 2024 (reprenant celui de l’AFP et diffusé dans toute la presse nationale française et certains journaux belges) : Handicapés français accueillis en Belgique : un rapport de la Cour des comptes pointe des « maltraitances » avec l’interview d’Isabelle Resplendino

Article du Standard et sa traduction en français – 14 septembre 2024 avec l’interview d’Isabelle Resplendino, de parents, de professionnels… Article repris dans le Courrier international.

Article l’Ombres & Lumière – 20 septembre 2024 « Le départ de notre fils en Belgique a été dur à avaler » avec l’interview d’un papa

Article de Yanous – 20 septembre 2024 « Les exilés en Belgique au rapport »

Blog d’Accens Avocats – 25 septembre 2024 « Handicap : un rapport conjoint des cours des comptes française et belge sur le séjour des Français en Wallonie »

Article d’Unessa – octobre 2024 – “Accueil des Français en situation de handicap, une situation en voie de résolution”.

La communication gouvernementale semble changer son fusil d’épaule quant au moratoire et reconnaît, du bout des lèvres, que le moratoire bloque les solutions… Voir l’article de Vie Publique.fr.

Radio :

3 reportages de la Radio-Télévision Belge Francophone (RTBF) à écouter, avec les interview d’Isabelle Resplendino

Télévision :

Plateau du Journal de NoTélé – 20 septembre 2024 « L’invitée du 18h : Isabelle Resplendino, présidente d’Afresheb – Association pour les Français en situation de handicap en Belgique »

Nous sommes en attente du reportage de BFMTV, tourné le 18 septembre, avec l’interview d’Isabelle Resplendino. Ce 24 septembre, toujours pas de nouvelles. Cela sent la censure…

Reportage de BFM TV.

jeu de lettres exclusion devenant inclusion

Rapport du sénat français sur l’école inclusive

Ce rapport fait des propositions qui rejoignent certaines de celles que nous émettons depuis des années. Malheureusement, comme pour les précédents rapports, il y a fort à croire que le gouvernement n’en fera rien ou quelques propositions reprises et plus ou moins bien appliquées telles que  :

  • les UEMA –unités d’enseignement en maternelle autisme-) et leurs déclinaisons dans les niveaux supérieurs et/ou étendus à d’autres handicaps. Dispositifs qui fonctionnent à condition de respecter le cahier des charges, (élèves en situation de handicap sévère, afin de les faire progresser rapidement grâce aux approches recommandées en vue de rejoindre une scolarisation ordinaire), ce qu’aucun gouvernement n’impose et est donc laissé au bon vouloir des acteurs du terrain, avec une hétérogénéité flagrante quant à leur qualité ;
  • les DAR dispositifs d’auto-régulation, permettant une inclusion plus souple ;
  • sans oublier la proposition « plus d’enseignants que de classes », hélas réservées aux anciennes ZEP (zones d’éducation prioritaire) devenues REP (réseaux d’éducation prioritaire) et non pas à tous les élèves à besoins spécifiques, comme nous l’avions demandé.
Parmi les propositions de ce nouveau rapport :
  • la « massification » de l’accompagnement humain « nuit désormais à une politique qualitative et efficiente d’inclusion scolaire », selon le rapporteur M. Vial, qui évoque des « effets pervers ». L’AESH a « parfois tendance à ‘faire écran’ entre l’enfant et son professeur ou ses camarades », et l’élève peut le considérer parfois comme une « béquille », ce qui le maintient dans « une forme de dépendance » [NDLR : c’est bien qu’on s’en rende enfin compte, surtout pour les élèves qui ne sont pas atteints de troubles moteurs, eux pour qui l’autonomie n’est pas qu’une question d’’apprentissage] ;
  • l’institution scolaire ne peut pas « s’exonérer de sa responsabilité pédagogique », il lui « revient d’abord (…) de s’adapter ». Il faut « faire de l’accessibilité -comprise au sens global (physique, matérielle, pédagogique)- la priorité qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être » ;
  • il faut une « organisation administrative corrigée », une prise en charge des élèves en situation de handicap « plus qualitative et continue » et un accompagnement des familles « plus poussé » ;
  • développer l’accessibilité des matériels pédagogiques et des outils numériques et adapter les fournitures scolaires et la pédagogie « sans attendre les éventuelles mesures de compensation » prescrites par les MDPH ;
  • la mise en place d’une formation initiale obligatoire avant la prise de poste et d’un plan ambitieux de formation continue, « pour faire de la fonction d’AESH un véritable métier »
  • associer ces professionnels à des réunions régulières avec les parents ;
  • les enseignants doivent également bénéficier d’une formation initiale et continue améliorée en matière d’accueil des élèves handicapés ;
  • plus d’équité territoriale.

Le président de la commission, Laurent Lafon, appelle le gouvernement à s’en saisir pour « ouvrir, sans tarder, la nouvelle étape annoncée en faveur de l’école inclusive, dont la mise en œuvre fera l’objet d’un suivi très attentif de la part de la commission ».

L’avenir nous dira donc ce que le gouvernement fera de ces recommandations et, s’il en applique, comment il le fera.

Lire l’article de Handicap.fr.

Rapport AViQ 2021 (illustration)

Rapport d’activités AViQ 2021

Le rapport d’activités 2021 de l’AViQ (Agence pour une vie de Qualité) est paru.

Page 106, sur la 2e Commission Mixte Personnes Handicapées Françaises il est écrit :

Garantir une meilleure qualité de prise en charge et le bien-être des personnes en situation de handicap est une priorité pour l’Agence. Cette préoccupation concerne également l’accueil et l’hébergement des personnes handicapées françaises en Wallonie. En décembre 2011, un accord-cadre a été signé entre la Wallonie et la France. Il vise à renforcer la collaboration entre l’AVIQ et les autorités françaises.

Dans la foulée de cet accord-cadre, une convention organisant les inspections conjointes avec les inspecteurs français a été signée le 3 novembre 2014 afin de garantir à toutes les familles que les personnes hébergées bénéficient d’un accueil de qualité.

Celle-ci a débouché sur un programme annuel de contrôles réalisés dans les services. Une dizaine de contrôles sont planifiés sur l’année, tandis que d’autres peuvent être réalisés à tout moment dès lors que la santé ou la sécurité de ressortissants français serait mise en péril.

Outre cela, la transmission d’informations vers les autorités françaises s’est systématisée, notamment grâce à un lien informatique vers les rapports d’audits concernant les structures qui accueillent des personnes françaises sur le territoire wallon. Dans le même ordre d’idée, tout signalement reçu à l’AVIQ est transmis pour information à l’Agence régionale de Santé (ARS) des Hauts de France et inversement. Les courriers transmis aux plaignants et aux gestionnaires à l’issue de l’instruction des plaintes sont de la même manière transmis aux autorités françaises. Le suivi est assuré par l’AVIQ qui communique ses conclusions à l’ARS Hauts de France après enquête.