Quand le gouvernement et les associations gestionnaires écartent délibérément les experts du handicap.

Le 5 octobre 2020, une lettre de mission de Sophie Cluzel, Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, désignait Mme Cornu-Pauchet pilote de la prévention des départs non souhaités des Français en Belgique.

Dans cette lettre, il était stipulé notamment : «… vous veillerez à : construire une relation de travail de qualité avec les associations représentatives des personnes en situation de handicap et les personnes elles-mêmes, ainsi qu’avec les organismes gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux dont le concours sera nécessaire pour tenir un haut niveau d’ambition. »

Dès que nous avons pris connaissance de cette lettre le mois dernier, nous avons donc proposé la participation de l’AFrESHEB ASBL (Association pour les Français en situation de handicap en Belgique, association sans but lucratif) à Mme Cornu-Pauchet.

En effet, notre connaissance des deux systèmes, et particulièrement du belge, depuis des années, fait de nous le seul véritable expert de ce que viennent chercher en Belgique les Français, que ce soit au niveau de l’enseignement spécialisé et intégré, ou des établissements médico-sociaux.

La présidente de l’association siège depuis encore bien plus longtemps dans les groupes de travail des gouvernements belges, que ce soit à l’enseignement ou au handicap, et sous le quinquennat français précédent, les groupes de travail franco-belges sur l’accord-cadre franco-wallon (c’est elle qui avait obtenu que les associations y participent) et les groupes français pour la création des Unités d’enseignement en maternelle autisme, qu’elle avait obtenue grâce au relais de son programme par le précédent député des Français du Benelux, Philip Cordery.

Sous le ministère wallon du handicap d’alors, celui de Maxime Prévot, elle avait participé aux travaux de l’arrêté qui a relevé drastiquement les normes pour les établissements accueillant des Français, ainsi qu’au référentiel qualité pour tous les services handicap wallons. Elle siège également au Conseil supérieur des élèves à besoins spécifiques et a participé à de nombreuses réunions aux cabinets des Ministres de l’Éducation qui se sont succédé à la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Mme Cornu-Pauchet n’a pas donné suite à notre proposition de participation, ce que nous déplorons, car, comme disait un proverbe marocain : « Ce que tu fais pour moi, si tu le fais sans moi, tu le fais contre moi ».

Nous ne connaissons que trop la raison de cette mise à l’écart. Il s’agit de ne pas faire s’écrouler la communication du gouvernement français, qui assure avoir arrêté l’exil en Belgique alors qu’en fait il a suspendu pratiquement toutes les orientations sans créer les solutions équivalentes en France. Les familles doivent le plus souvent se contenter de solutions partielles, inadaptées, voire plus éloignées que la Belgique (par exemple pour un enfant parisien, un établissement dans le sud-ouest de la France). Il est évident que la participation de l’AFrESHEB à un groupe de travail concerné ferait éclater le mensonge.

Mais ce n’est pas tout : le 26 octobre, la Fédération Sésame Autisme lance un message :

« Cette période d’urgence sanitaire est compliquée pour les personnes autistes et leurs familles. Elle l’est d’autant plus pour toutes les personnes autistes hébergées dans des établissements belges et leurs familles qui n’ont eu d’autres choix que cette solution belge. Un groupe de familles s’est réuni au sein de la Fédération Française SESAME AUTISME afin de se faire entendre auprès des pouvoirs publics, créant le “Groupe France-Belgique”. Ce groupe demande que soit prise en compte la spécificité de cette situation transfrontalière en cette période de crise sanitaire, mais pas seulement. En effet, c’est quotidiennement que l’exil de nos protégés exilés pose problème. Nous souhaitons vous faire connaître ce groupe “France-Belgique”, afin que les personnes dans la même situation nous rejoignent. N’hésitez pas à venir vers nous pour nous faire connaître votre situation et/ou celle de votre enfant actuellement accueilli en Belgique. Nous attachons une importance fondamentale à ce que les voix de ces personnes exilées et celles de leurs familles soient entendues. Christine Meignien, Présidente de la FFSA »

L’AFrESHEB a donc proposé son aide. Mais, pas plus que le gouvernement français, la fédération Sésame Autisme n’en a voulu. Et, pour tout dire, cela ne nous étonne guère.

Sauf quelques idéalistes, les associations gestionnaires, qui voudraient bien récupérer les 500 millions d’euros que la France envoie chaque année en Belgique, sont cependant promptes à s’y débarrasser des dossiers les plus compliqués : personnes avec de lourdes déficiences, des troubles du comportement importants, des comorbidités…

La participation de l’AFrESHEB pourrait bien sûr là aussi, révéler ce double discours.

Nous espérons nous tromper et que, suite à ce message, nous serons invités par Mmes Cornu-Pauchet et Christine Meignien. Sans cela, il faudra bien se rendre à l’évidence sur le fait que nous sommes dans le vrai.

Edit : Le groupe de Familles “France-Belgique” nous a contactés. C’est donc avec grand plaisir que, dès que les conditions sanitaires le permettront, nous collaborerons.