Question parlementaire sur les placements de Français en situation de handicap en Belgique

Notre analyse : le député LaREM qui pose la question avec sa brosse à reluire ne donne que les chiffres des Français dépendant du CNSE, et pas ceux des départements, vu que le placement en Belgique génère en vérité près de 500 millions d’euros annuels. Il ne relève même pas que les 90 millions accordés au régions sont une somme sur 3 ans, ni que le moratoire est intervenu avant même que les solutions soient effectives sur le sol français. Il tait aussi le fait que ces solutions seront des aides à domicile, ce qui ne correspond pas à la demande des familles pour les personnes avec un handicap sévère qui sont envoyées en Belgique.

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M. le président. La parole est à M. Hervé Pellois, pour exposer sa question, no 1371, relative au placement des personnes handicapées en Belgique.

M. Hervé Pellois. Madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, je voudrais vous remercier pour la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme que vous avez mise en valeur avec le Président de la République vendredi dernier, et qui a donné lieu à de très nombreuses mobilisations partout dans notre pays et sur les chaînes de télévision. J’ai eu le plaisir de rencontrer pour ma part l’association « Papa maman et moi construisons avec l’autisme » dans ma circonscription de Vannes, où opère le Centre national des soins à l’étranger (CNSE) qui traite notamment des paiements des établissements non conventionnés qui reçoivent en grand nombre nos compatriotes adultes handicapés, soit près de la moitié des 8 500 personnes expatriées en Belgique – 7 000 adultes et 1 500 enfants.

En 2016, j’avais déjà interrogé le Gouvernement sur le nombre croissant des placements, notamment des adultes. Depuis, la situation n’a fait que s’aggraver : 2 300 adultes en 2015 pour un coût de 103 millions d’euros, 3 900 adultes en 2020 pour 193 millions d’euros. Ce nombre n’a progressé que de 2 % en 2020, ce qui semble indiquer un revirement tangible de notre politique dont il convient de vous féliciter.

Actuellement, 146 établissements ne sont toujours pas conventionnés. Pouvez-vous nous dire si le plan de conventionnement décidé par l’État sur quatre ans et qui devait être mis en place en 2020 est opérationnel ? Par ailleurs, qui contrôle les établissements, et notamment la qualité des soins et des personnels ? Des abus de facturation sont toujours mentionnés par le CNSE, mais a posteriori.

Je souhaiterais également connaître l’avancement des annonces faites par le Gouvernement en février 2020 concernant la création de plus de 1 000 places en établissements français entre 2021 et 2022, et les mesures supplémentaires qui pourraient être élaborées pour venir en aide aux départements du Nord et de Seine-Saint-Denis, particulièrement dépendants de ces structures belges non conventionnées.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzelsecrétaire d’État chargée des personnes handicapées. La journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, le 2 avril, a été placée sous l’égide du Président de la République, et je me suis récemment rendue avec lui à Saint-Egrève, en Isère, où nous avons visité une unité de soins précoces réservée aux enfants – le repérage précoce des troubles du neurodéveloppement est en effet l’un des domaines où nous devons changer la donne –, ce qui nous a permis de constater les avancées obtenues en la matière.

Vous m’interrogez sur les adultes. Aujourd’hui, parmi les personnes présentant des troubles du neurodéveloppement, plus de 700 000 ont un diagnostic d’autisme, qu’il soit on non déjà posé, dont près de 600 000 adultes pour lesquels nous travaillons justement à l’amélioration de leur diagnostic. Actuellement, 8 000 Français sont accueillis en Belgique et les départs d’adultes se poursuivent. Je précise que ce ne sont pas seulement les personnes autistes qui partent en Belgique, mais aussi celles atteintes d’un polyhandicap ou présentant une déficience intellectuelle. Si certains ont choisi de partir, d’autres, trop nombreux, ont accepté ce choix faute de solution en France. Nous ne pouvons plus tolérer cette situation. Nous sommes le premier gouvernement à mettre fin à ce scandale qui consistait à financer des places à l’étranger, à tolérer le démarchage commercial dans nos hôpitaux sanitaires. Nous avons décidé de lancer, avec mon homologue wallonne Christie Morreale dont je salue l’engagement à nos côtés, un moratoire sur la création de places d’accueil d’adultes en Wallonie. Je tiens à rassurer les familles : les projets d’orientation avalisés avant le 28 février, date de ce moratoire, seront honorés car nous ne voulons pas de ruptures de parcours qui sont en cours. Les trois régions les plus concernées par les départs vont recevoir 90 millions d’euros : plus de 26 millions pour les Hauts-de-France, 51 millions pour l’Île-de-France et 13 millions pour le Grand Est. 650 places nouvelles sont d’ores et déjà programmées dans ces trois régions, et d’ici à 2023 nous aurons proposé au moins 1 000 solutions nouvelles.

J’ai mis en place un comité national de suivi de ce plan de création, associant tous les acteurs des associations et bien sûr des départements, avec lesquels nous partageons cette responsabilité. C’est un engagement fort de l’État, un engagement collectif dont nous pouvons être fiers. Nous travaillons sur la création d’unités de vie de six personnes destinées aux adultes atteints de troubles sévères du spectre autistique, si complexes à accompagner. Nous devons privilégier ces solutions d’accueil dignes et respectueuses pour ces adultes qui trop longtemps ont été en errance, faute d’une prise en charge accompagnée.

Vous pouvez compter sur ma détermination à faire respecter ce plan. La mobilisation des associations gestionnaires des départements et des ARS est une priorité, un engagement de la grande stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. Merci madame la ministre, pour votre engagement et ces mots d’espoir, si nécessaires pour nous tous, pour notre pays, pour les familles et pour ces personnes qui sont en grande difficulté. En tant qu’élus, nous sommes régulièrement alertés sur ces difficultés et ce manque de solutions d’accueil. Les efforts consentis par le Gouvernement sont louables, mais on doit à la fois réduire le nombre de personnes accueillies en Belgique – c’est quand même 8 000 emplois perdus pour la France au bénéfice de nos amis belges – et le temps d’attente des familles. Je sais que ce chantier important prendra du temps, mais l’engagement de l’État aux côtés des collectivités, en particulier du département, est plus que jamais nécessaire.

M. le président. Nous avons terminé avec les questions orales sans débat.

Lien de la question parlementaire sur le site de l’Assemblée nationale.

15 kilomètres

15 petits kilomètres. C’est la distance moyenne qui sépare le domicile familial de l’établissement belge pour 5 personnes en situation de handicap de l’Est de la France.

Ces 5 personnes n’ont pas d’autres solutions en France. Et on va leur refuser l’orientation en Belgique en raison du moratoire décidé par le gouvernement français.

On dit merci qui ? Merci Sophie Cluzel ! Merci Emmanuel Macron !

Un moratoire pas très moral : suite et pas fin

Communiqué d’autosatisfaction du Secrétariat d’Etat chargé des Personnes handicapées (France).

Extraits : “La Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées a réuni ce 25 février un comité de suivi du plan de création de solutions innovantes pour prévenir les départs non souhaités en Belgique, associant les acteurs concernés, en particulier les départements et les associations.” […] “Il a été rappelé lors de cette réunion que tous les moyens et leviers doivent être mobilisés pour répondre à l’objectif de prévention des départs contraints : les communautés 360, l’identification de solutions juridiques pour lever d’éventuels freins, le développement de petites unités résidentielles pour personnes atteintes de troubles autistiques complexes, le financement de solutions par les ARS et les conseils départementaux…”

Commentaires : Si seulement il s’agissait bien des départs non souhaités ! Mais, hélas, même ceux que les familles demandent seront refusés. Et que propose-t-on à la place ? Du bricolage. Le communiqué ne précise pas que les solutions par les ARS et les conseils départementaux se font à budget constant, hormis les 30 malheureux millions par an pour 3 régions, 30 millions qui sont loin de valoir les 500 qui partent chaque année en Belgique… Une goutte d’eau dans la mer qui ne peut même pas rattraper la croissance démographique annuelle de cette population. Alors espérer ainsi combler un demi-siècle de retard en matière de politique du handicap, cela fait ressembler le tonneau des Danaïdes et le rocher de Sisyphe à d’agréables sinécures.

Un moratoire pas très moral : suite

L’AFrESHEB avait sollicité les associations françaises pour un front uni afin de demander que le moratoire sur les départs des Français en situation de handicap en Belgique, moratoire qui devait entrer en application à la fin de ce mois de février 2021, ne soit effectif qu’à partir du moment où les solutions en France seraient équivalentes.

Il lui a été répondu par une des associations que le moratoire était suspendu, ce qui était un peu étonnant.

Nous avons donc contacté le ministère pour obtenir une confirmation.

Réponse du ministère français à notre question sur la suspension du moratoire :

« Le moratoire concerne la création de nouvelles places en Belgique et il n’est pas suspendu. Il s’inscrit dans le cadre de la volonté de la France de permettre à toutes les personnes en situation de handicap de trouver une solution sur le territoire national, et donc de mettre fin aux départs en Belgique non souhaités.

La France a entrepris un programme ambitieux de création de places (90M€ sur 3 ans) et de solutions d’accompagnement pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, en particulier dans les régions les plus concernées par ces départs en Belgique (Hauts de France, Ile de France et Grand-Est).

Ce moratoire n’a pas de conséquence sur les personnes en situation de handicap actuellement accueillies en Belgique qui sont libres d’y rester, ou de préparer un retour en France. »

À notre avis, ce n’est donc que la confirmation de ce qui se passe depuis 2 ans (depuis que la CNSA avait convoqué les MDPH des 3 régions concernées pour leur intimer officieusement de ne plus orienter en Belgique).

Nous rappelons qu’en ce qui concerne ce moratoire, il ne peux s’exercer que sur les places conventionnées (dépendant de l’accord-cadre franco-wallon).

Vous pensez bien que 30M€/an par rapport aux 500 qui partent en Belgique chaque année, ne pourront proposer des solutions équivalentes. Ambitieux… méthode Coué ?

Puisqu’il s’agit bien de départ non souhaités, les familles n’ayant pas une solution de la même qualité en France pourront attaquer ce moratoire en cas de refus de leur demande d’orientation en Belgique. Refus qui contrevient à l’article 18 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées concernant le droit de circuler librement et nationalité.

Notre page contact.

Un moratoire pas très moral

« Le 21 janvier 2021, lors de la réunion de la commission mixte paritaire en application de l’accord cadre franco-wallon de 2011 relatif à l’accueil des personnes en situation de handicap en Belgique, un moratoire sur la capacité d’accueil des adultes handicapés français en Belgique au 28 février 2021 a été annoncé.[…]

 Un soutien financier de 90 millions d’euros sur trois ans est dédié depuis 2020 au développement de solutions alternatives, afin de mettre fin aux séparations non choisies, dans les régions Ile-de-France, Hauts-de-France et Grand-Est, principalement concernées par ces départs. […]

Le déploiement des communautés 360 sur l’ensemble du territoire national participe d’ores et déjà à l’amélioration de l’organisation de l’accompagnement de proximité dans le cadre de la transformation de l’offre médico-sociale. Les communautés 360 doivent en effet permettre de répondre en priorité aux besoins et souhaits des personnes sans solution pour prévenir les exils en Belgique. »

Lire le communiqué de presse intégral.

Nos remarques :  90 millions d’euros sur 3 ans, alors que 500 millions partent chaque année en Belgique, voilà de quoi offrir… comme d’habitude, du bricolage à la place de vraies solutions !

Quant aux communautés 360, nous ne pouvions pas mieux dire que cet interviewé ci-dessous :

« Est-ce le but recherché que de mettre en place de petites solutions d’urgence au nom du concept ambigu d’inclusion plutôt que de créer, non seulement des solutions, mais aussi des places ? », s’interrogeait l’Association nationale des directeurs et cadres d’ESAT (Andicat), en novembre, exprimant « ses fortes réticences à un empilement permanent de mesures peu cohérentes ». Selon lui, ce dispositif s’ajouterait à d’autres : les réponses accompagnées pour tous (RAPT), les plans d’accompagnement global (PAG), la modernisation des systèmes d’information, le « changement trop rapide » de l’évaluation des établissements et services médico-sociaux, les CPOM (Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens dans les ESMS) « non encore signés »… « Il est grand temps de renoncer à des démarches peu visibles et précipitées qui n’apportent que confusion, ennemi de l’accès à leurs droits des personnes vulnérables ; il s’agit de répondre enfin dignement à leurs attentes », exhorte l’association, appelant à poursuivre des actions « qui promeuvent les coopérations, les interactions, la fluidité de solutions réalistes et, enfin, les complémentarités de réponses plurielles et agiles ».

L’article intégral sur handicap.fr

Ou que celle-ci :

« Il y a pourtant un bémol. « Déploiement » ne signifie pas « opérationnel », tempère Coryne Husse. Initialement, le dispositif 360 est apparu pour faire face au premier confinement qui exigeait une mobilisation immédiate des acteurs de terrain. Assez rapidement, cela s’est transformé en un dispositif pérenne. Sauf que ! Selon elle, « les besoins en temps de crise ne sont pas identiques à ceux visés à long terme et les solutions mises en œuvre ne pourront pas forcément perdurer en l’état ». Aujourd’hui, un groupe de travail œuvre à la définition du périmètre de ce 360 encore en construction. Coryne Husse cite néanmoins le département du Nord qui a probablement une longueur d’avance sur ce sujet. Concernant plus spécifiquement la problématique de l’exil vers la Belgique, elle assure que ces communautés ne sont pas dotées pour faire face au manque de solutions. »

L’article intégral sur handicap.fr

Il y a comme un parfum pré-électoral… Macron compte nous refaire le coup de la carte blanche dédiée au handicap du débat d’entre-deux tours, jurant le cœur sur la main que les Français en situation de handicap n’auront plus besoin d’aller à l’étranger ?

On l’informe que la confiance, c’est comme les allumettes, cela ne fonctionne qu’une fois ?